Oui, très intéressant. L’écriture journalistique est particulière, non seulement dans la forme (syntaxe, style…) mais également sur le fond, notamment dans la façon de traiter un sujet, et Il y a aussi derrière la question des choix éditoriaux qui se pose. Chrysalide, tu as peut être ouvert la boîte de Pandore avec tes réflexions sur cet article car je ne crois pas que l’on puisse traiter uniquement de la question de l’écriture journalistique aujourd’hui sans parler de tout le reste.
Je ne sais pas si l’exemple des grandes plumes du passé de l’Equipe comme Antoine Blondin ou Denis Lalanne (un sacré style lui aussi…) sont très significatifs. Pour moi, ils avaient surtout un véritable talent d’écrivain qu’ils avaient réussi à adapter au journalisme. Et encore, il faut noter qu’ils exerçaient le plus souvent dans un rôle de chroniqueur plutôt que dans celui de diffuseur d’informations ou de narrateur de faits ponctuels qui sont quand même le pain quotidien du journaliste. Evidemment, quand on relit leurs articles, on peut légitimement penser qu’il y a une baisse sensible de niveau d'écriture, mais je ne pense pas que l’article « de base » d’il y a 50 ans était forcément mieux écrit que celui d’aujourd’hui.
Cela dit, le problème principal me semble être que des gens comme Antoine Blondin ou Denis Lalanne n’auraient vraisemblablement plus leur place dans le paysage journalistique d’aujourd’hui. C’est vrai que la frénésie « d’informations » et la course acharnée au scoop qui s’est développée depuis quelques années a accentué les choses, notamment depuis l’apparition du net qui nous submerge de données, qui plus est (et c’est sans doute le plus grave) sans hiérarchie, tout étant placé au même niveau. Il n’est qu’à parcourir, par exemple, les infos de Yahoo pour mesurer le vide sidéral d’un certain journalisme de nos jours. Le problème est que les médias traditionnels ne peuvent que suivre peu ou prou ou disparaître. Bien entendu, comme dans chaque profession, il y aura toujours des bons journalistes et des mauvais, mais la plupart (ainsi que les rédacteurs en chef) est bon gré mal gré entraînée dans ce patchwork géant, ce supermarché de l’information où l’immédiateté et le côté « sexy » priment ; Sauf peut être le journalisme d’investigation, qui est d’ailleurs devenu une caste à part, alors que dans le passé c’était un domaine traité au même niveau que le reste par tout bon journaliste.
Autre problème, un peu hors sujet mais non moins important à mes yeux, est la propension de la société à vouloir de nos jours communiquer dans le style journalistique (et pas celui de Blondin ! ), et ce à n’importe quel niveau. Je me souviens avoir suivi il y a quelques années dans le cadre professionnel une formation à l’école de journalisme de Paris pour « apprendre » à écrire des publications scientifiques (je suis statisticien au ministère de la Justice). Le titre de la formation était « Ecrire pour être lu ». Formation très intéressante en soi d’ailleurs, mais qui m’avait semblé complètement inadaptée, non pas parce qu’il faudrait absolument être abscons pour écrire une étude pertinente, mais parce que c’est un leurre de croire que tout le monde peut lire et comprendre n’importe quoi. La vulgarisation journalistique, qui passe par des techniques spécifiques (choix d’angles, mise en exergue du résultat principal, « du particulier au général », titre et sous titres informatifs, vocabulaire précis mais simple etc…) est certes indispensable pour la diffusion de l’information au grand public (et c’est un des rôles principaux du journaliste), mais s’avère inadaptée dès lors que l’on voudrait absolument l’appliquer directement au document de base. Ou alors on entre dans des raccourcis et des imprécisions pour le coup fort peu scientifiques. Mais bon, l’idée ambiante, très démagogique et même dangereuse, est que chacun a désormais la possibilité, voire le droit, d’être informé de tout ce qu’il se passe dans le monde en tous domaines, et en plus en temps réel… Moralité on est informé de rien précisément et surtout de choses complètement inutiles….
J’ai conscience que je me suis éloigné du sujet de base, mais bon... disons que ça entre bien dans le cadre des « paroles de vieux cons »…